Le Monde: 'L'indépendance, enjeu des élections en Catalogne' #news #politics #usa #eu #catalonia

Par Sandrine Morel

Des drapeaux catalans et européens virevoltent derrière Artur Mas, le
président de la Catalogne, tandis qu'il approche du micro. "Pour la
première fois depuis trois siècles, le peuple de Catalogne va enfin
pouvoir décider de son futur", lance le charismatique chef de file de
la coalition nationaliste de droite Convergence et Union (CiU) devant
les 3 000 personnes qui assistent, le 18 novembre, dans le palais des
sports de la Mar Bella de Barcelone, au grand rassemblement de la
campagne pour les élections régionales de Catalogne.

En organisant ces élections anticipées deux ans avant la date prévue,
le gouvernement catalan a décidé d'emprunter "le chemin de la liberté"
après s'être vu refuser, en septembre, un nouveau pacte fiscal avec
Madrid visant à réduire sa contribution à la solidarité nationale.
Près de 16 milliards d'euros, soit 8 % du PIB, sont prélevés en
Catalogne et n'y reviennent pas, selon les chiffres officiels.

Le programme de M. Mas s'ouvre sur deux promesses : "consulter le
peuple de Catalogne durant la législature pour qu'il puisse décider
librement et démocratiquement de son futur" et "construire une
majorité sociale pour que la Catalogne puisse avoir son propre Etat
dans le cadre de l'Europe".

Les déclarations du président de la Commission européenne, José Manuel
Barroso, qui a laissé entendre que l'Europe ne reconnaîtrait pas un
nouvel Etat né d'une sécession, ne l'ont pas échaudé. "Le chemin est
plein d'incertitudes, mais moins que celui qui consisterait à rester
immobile, dans une relation avec l'Espagne qui nous affaiblit", assure
Oriol Pujol, fils du nationaliste Jordi Pujol, l'emblématique
président de la Catalogne de 1980 à 2003 et secrétaire général du
parti libéral Convergence démocratique de la Catalogne (CDC), qui
forme, avec les démocrates-chrétiens d'Union démocratique de Catalogne
(UDC), la coalition CiU.

Dans la salle, Laura Mas Vidal, agent commercial, 46 ans, est aux
anges : "Un avenir meilleur s'ouvre pour la Catalogne", dit-elle,
convaincue du bien-fondé de la voie proposée par M. Mas. Pourtant, au
sein même de la coalition CiU, qui regroupe indépendantistes et
fédéralistes, certains s'inquiètent du tour pris par les événements.
Artur Mas s'est-il laissé déborder par la clameur populaire qui s'est
exprimée lors de la Fête de la nation catalane, le 11 septembre, quand
1,5 million de personnes sont descendues dans les rues de Barcelone
pour demander l'indépendance ?

Jusqu'à présent, CiU avait toujours déployé autant d'énergie à
réclamer plus d'autonomie pour la Catalogne qu'à ménager ses relations
avec le reste de l'Espagne, principal débouché des entreprises de la
région. Mais, aujourd'hui, le divorce semble consommé. "Je veux que
nos droits soient respectés, explique Olga Garcia, 43 ans, de parents
andalous et estrémadurien. Madrid nous maltraite. Nous sommes le
moteur de l'Espagne, mais elle accapare nos richesses tandis que nous
tombons dans la misère", affirme cette récente convertie au combat
pour l'indépendance.

"Celui qui a créé le plus d'indépendantistes, c'est le gouvernement
central", soutient Ramon Espadaler, le président du conseil national
d'UDC. Les infrastructures délaissées par Madrid, les recours déposés
contre l'enseignement en catalan dans les écoles et la censure, en
2010, par le Tribunal constitutionnel de plusieurs articles
fondamentaux du nouveau statut d'autonomie approuvé en 2006 ont avivé
les tensions. Et sur fond de crise économique, le sentiment
indépendantiste, partagé actuellement par 44 % de la population, a
explosé.

Créditée d'une large majorité, renforcée par la déroute des
socialistes, CiU espère obtenir, dimanche, la majorité absolue afin de
défendre son projet à Madrid et à Bruxelles. Et aussi, au-delà de la
seule question de l'indépendance, de pouvoir gouverner les mains
libres à Barcelone.

Des manifestants brandissent une banderole hostile aux mesures
d'austérité défendues par la coalition nationaliste de droite CiU, à
Barcelone, le 22 novembre. Le président du gouvernement régional Artur
Mas est représenté tenant des ciseaux d'une main et une arme de
l'autre.

Ces deux dernières années, le gouvernement régional a pu faire voter
des budgets d'austérité grâce au soutien du Parti populaire (PP,
droite), parti "recentralisateur" avec lequel la rupture est
consommée. Les autres forces politiques, y compris les
indépendantistes de gauche, ont prévenu qu'elles ne cautionneraient
pas la politique d'austérité de CiU. Or la Catalogne, l'un des moteurs
économiques de l'Espagne, n'échappe pas à la crise, avec une dette qui
représente 21 % de son PIB et un chômage à 22 %.

http://www.lemonde.fr/international/article/2012/11/23/l-independance-enjeu-des-elections-en-catalogne_1795166_3210.html

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