Le Figaro: 'La Catalogne joue avec l'indépendance' #news #eu #politics #usa

«Je ne suis pas dans la tête d'Artur Mas.» Politiques, chefs
d'entreprise, analystes et journalistes… Tous, ou presque, avouent
leur perplexité devant les projets du président de la Generalitat, le
gouvernement régional. Artur Mas dit vouloir convoquer un référendum
et donner à la Catalogne«un État en propre», ou encore «un nouvel État
de l'Union européenne». Des formules imprécises qui lui permettent de
ne pas utiliser le terme, encore tabou pour beaucoup,
d'«indépendance».En dévoilant ainsi son projet, mais sans trop en
dire, Mas a poussé jusqu'au bout le bras de fer entre sa communauté
autonome et le reste du pays. Alors que l'Espagne est au bord du
naufrage financier, la région la plus riche menace d'abandonner le
navire.

Le président régional appartient à Convergència i Unió (CiU), une
formation de centre droit jusque-là qualifiée de «nationaliste
modérée». Depuis la fin du franquisme, CiU a gouverné la Catalogne
pendant vingt-cinq ans, sur trente-deux ans de vie démocratique. Ses
cadres ont su négocier avec Madrid la décentralisation progressive et
continue du pouvoir, en soutenant à tour de rôle le centre, la gauche
et la droite lorsque ceux-ci manquaient d'appuis au Parlement
espagnol. Le virage sécessionniste, du coup, a pris certains
observateurs par surprise.

D'autres, au contraire, semblaient attendre ce moment avec impatience.
«Nous pourrions être l'Allemagne de la Méditerranée!», s'exclame Oriol
Pujol, secrétaire général de Convergència Democràtica de Catalunya
(CDC), le principal parti à l'intérieur de la coalition CiU. Il
attribue les projets souverainistes de son parti au refus de Madrid de
négocier, notamment sur le pacte fiscal. Cette mesure phare du
programme électoral de CiU devait permettre à la Catalogne de
maîtriser la levée de l'impôt et de réduire sa participation à la
solidarité nationale.

Peu après une manifestation indépendantiste monstre dans les rues de
Barcelone le 11 septembre, Mas est allé présenter son projet au chef
du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy (Parti populaire, PP, droite).
Ce dernier a refusé catégoriquement de modifier le modèle fiscal. Cinq
jours après, Mas convoquait des élections régionales anticipées,
fixées au 25 novembre. Le prélude, souhaite-t-il, à un référendum
d'autodétermination.

«Ce sont les premières élections d'une nouvelle étape», affirme Pujol,
qui considère que «la seule voie qu'il nous reste, c'est d'avoir un
État». «Un État indépendant?», lui demande-t-on. «Le Portugal est-il
un État indépendant? Non. Ni la Grèce, ni probablement l'Espagne,
répond-il. Ce sont des États souverains, qui ont décidé de transférer
une partie de leur indépendance à des structures supranationales. Nous
voulons mobiliser la majorité sociale de ce pays et lui donner
l'occasion de se prononcer lors d'une consultation au cours de la
prochaine législature.» La question qui sera posée par référendum
n'est pas encore déterminée. «Elle dépendra du résultat des
élections», indique Pujol.

Déficit d'infrastructures

La plupart des analystes jugent cette ambiguïté calculée. Iñaki
Ellacuria, journaliste politique au quotidien catalan La Vanguardia,
salue «les grands stratèges de CiU». «Après deux ans d'austérité,
dit-il, on ne parle que des relations entre la Catalogne et
l'Espagne». Résultat, les pères la rigueur de CiU sont les grands
favoris du prochain scrutin. «Leur objectif, c'est la majorité
absolue. Leur horizon, les élections. Après, se disent-ils, on verra
bien», analyse le porte-parole adjoint du PP au Parlement régional,
Santi Rodríguez.

La conjoncture et les petits calculs politiques ne suffisent pas,
toutefois, à expliquer l'engouement nationaliste. Tous les sondages
font apparaître qu'en cas de référendum, une courte majorité de
Catalans se prononcerait en faveur de l'indépendance. Le
sécessionnisme est également alimenté par la perception d'un abandon
de la région. Beaucoup dénoncent un déficit d'infrastructures. Le
directeur de la Chambre de commerce et d'industrie française de
Barcelone, Philippe Saman, évoque par exemple le couloir
méditerranéen. Le projet, qui doit tracer une longue ligne à grande
vitesse du sud-est de l'Espagne jusqu'à la France, est régulièrement
retardé ou reporté. «Aujourd'hui, on dit aux Catalans qu'il n'y a plus
d'argent, avant on leur expliquait qu'il y avait d'autres priorités.
La zone représente pourtant 60 % de l'économie et du commerce
extérieur espagnols.» Observateur depuis trente ans du paysage
économique et politique local, Saman croit que le pragmatisme
l'emportera. «Le soufflé va retomber, dit-il. Mais le fond du
problème, lui, subsistera.»

http://www.lefigaro.fr/international/2012/10/15/01003-20121015ARTFIG00624-la-catalogne-joue-avec-l-independance.php

No comments:

Post a Comment